DÉVELOPPEMENT DURABLE, LE LUXE RÉCONCILIE DURABILITÉ ET DÉSIRABILITÉ
Face au défi du 21ème siècle que sert le concept du développement durable, le luxe semble réconcilier durabilité et "désirabilité" à un moment où 90% des consommateurs attendent des marques qu’elles s’engagent.
Petits pas, grandes ambitions
Le luxe semble exceller par ses initiatives aussi bien environnementales que sociales. Lors de la crise sanitaire, le secteur s’est particulièrement illustré par son empathie, son efficacité, son utilité, en consacrant ses outils de production au service du bien collectif, fournissant des gels hydro alcooliques et masques à une nation fragilisée par l’irruption d’un virus non attendu et l’imprévoyance des gouvernants.
Quitte à transgresser les codes, les marques de luxe sont désormais en marche : la Maison Dior en 2019, affiche haut et fort son engagement lors du défilé printemps-été en glorifiant la nature et en brandissant un # d’un nouveau genre « #PlantingForTheFuture », après avoir en 2017 préempté la cause des femmes par un message symbolique imprimé sur un tee-shirt « we should all be feminists ». En 2020, Maria Grazia Chiuri réitère son engagement pour les femmes et brandit des bannières portant des messages puissants et symboliques : « consent » ; « we are all clitoridian women » ; «women raise the upraising»…
Les sites industriels de la marque Clarins ont atteint la neutralité carbone en 2020 et ont pour objectif la neutralité plastique à horizon 2025. Depuis fin octobre, les deux soins iconiques de la marque (l’Eau dynamisante et l’Huile Tonic) sont disponibles en système rechargeable. Une démarche qui diminue les déchets, entraîne une baisse de prix de 20 % pour la recharge et permet aux clientes de personnaliser leurs flacons. Le groupe s’est doté d’un terrain de 10 hectares dans les Alpes afin de poursuivre sa recherche et exploiter les actifs végétaux.
L’Oréal déploie un programme ambitieux de transformation : « L’Oréal for the future » et s’empare des sujets du réchauffement climatique et des changements environnementaux en mettant au point un calendrier d’amélioration des pratiques avec avec pour promesse : « transformer notre activité et l’inscrire dans les limites planétaires ».
Donner du sens
D’un point de vue social le luxe s’engage aussi à repenser les marques avec l’idée de donner un nouveau sens en (ré)inventant les imaginaires et les discours : avec Fenty Beauty (2017), Fenty Mode (2019) la marque se déploie et Fenty Skin est lancée en juillet 2020. Avec sa marque (groupe LVMH) la "chanteuse - influenceuse" bouscule les codes de la beauté et ambitionne de représenter toutes les carnations. Ainsi, sont proposées cinquante nuances de fonds de teint et d’anticernes, et d’highlighter. L’idée de Rihanna est de mettre en avant les invisibles, de projeter la lumière sur les femmes et les cultures sous-représentées. Promettre la beauté inclusive, un combat mené par une femme habitée par l'envie d’ouvrir la beauté à tous.
Contre toute attente, la chasse au gaspillage devient une priorité pour le secteur. Si le marché de l’économie circulaire et de l’upcycling n'étaient pas envisageables pour les marques de luxe, les idées ont fait leur chemin et nombre de marques aujourd’hui revalorisent leurs produits via des canaux de seconde main. C’est le cas de Gucci qui signe un partenariat avec The RealReal (portail américain du marché de seconde main) : en octobre dernier, les deux marques ont annoncé une collaboration visant à commercialiser sur la plateforme des vêtements d'archives. Quatre bénéfices pour les afficionados : trouver des pièces inédites, payer moins cher, avoir la garantie que ces pièces sont authentiques et participer au reboisement de la planète puisque la plateforme s’est engagée à faire don d'un arbre pour chaque transaction. Une nouvelle initiative vertueuse visant à lutter contre le gaspillage en revalorisant les vêtements, ce qui permet également à Gucci de contrôler ce type de ventes et d'utiliser positivement un des leviers du développement durable. Le marché exponentiel de la seconde main semble être en passe de devenir le nouvel eldorado.
La communication n’est plus au service de la marque mais de la cause
La campagne « Abuse is Not Love » (Aimer sans Abuser) consacre la cause de la violence faite aux femmes et dépasse la simple proposition de marque. YSL Beauté dénonce et s’engage (surtout) auprès des jeunes femmes, âgées entre 16 et 25 ans, particulièrement vulnérables et sous-représentées. L’objectif ? Éduquer, faire évoluer les mentalités en mettant en lumière ce sujet et par un travail de terrain. La marque a choisi d’allier ses forces à « En avant toute(s »), une association qui, depuis 2013, agit pour l’égalité femmes-hommes et la fin des violences. Cette organisation travaille principalement auprès des jeunes en œuvrant pour sensibiliser et changer les comportements sexistes. Elle accompagne aussi des jeunes femmes et personnes LGBTQIA+ vivant des violences au sein du couple et de la famille via un tchat dédié.
Cette campagne illustre le changement qui s’est opéré : la communication devient un outil visant à mettre en avant l’utilité de la marque, sa contribution : il s’agit ici, en soutenant les femmes, de donner une résonance très forte à ce sujet, de jouer un rôle dans la société. La marque s’adresse aux jeunes, elle travaille à l’éducation mais aussi à la prévention. Cette visibilité offerte à une cause symbolique incarne parfaitement la diversité des leviers qui permettent d’allier engagement et communication. « Abuse is Not Love » s'articule autour de trois pivots : le financement de la recherche universitaire sur le sujet pour développer un leadership éclairé autour des jeunes et de la prévention ; l’éducation de 2 millions de personnes sur les signes communs de ce sujet grâce à des partenariats internationaux ; la formation des employés de YSL Beauty et ses conseillers en beauté sur la violence entre partenaires intimes en milieu de travail. Cette initiative s’étend également au Royaume-Uni aux côtés de la fédération « Women’s Aid », et aux États-Unis aux côtés de l’association « It’s On Us ».
Associé par nature à la beauté et à la rareté mais aussi à l’inutile, l’ostentatoire, le gaspillage, le luxe pourrait cependant être une source d'inspiration pour les entreprises engagées : à l’écoute des signes émis par la société, le secteur a transcendé les exigences de l’excellence et semble avoir admis qu’il ne fallait pas attendre la perfection pour faire des sujets environnementaux et sociétaux un axe de communication.